gfs.bern
Équipe: Lukas Golder Martina Mousson
L'approche des dispositions de gfs.bern offre un cadre systématique permettant d'analyser, d'intégrer et d'interpréter les données de sondage dans le processus de décision. L'accent n'est pas mis sur des pronostics précis, mais sur la dynamique de l'évolution de l'opinion sous l'influence des campagnes de votation.
Lors des élections, l’attachement à un parti détermine l’attitude fondamentale qui influence la manière dont les électeurs se prononcent. Cet attachement détermine largement la perception des partis, des candidats, des thématiques de la campagne électorale ainsi que l’état d’esprit général. Une telle simplification n’est toutefois pas applicable aux votations populaires. En effet, la diversité des thèmes abordés y est trop grande pour permettre une approche uniforme.
Les alliances entre les partis changent et les campagnes de votation sont moins standardisées que les campagnes électorales. Par conséquent, la recherche sur les votations privilégie l’analyse des prédispositions plutôt que l’attachement à un parti. Concrètement, il s’agit d’éléments de la formation de l’opinion individuelle qui existent avant même qu’un processus concret de prise de décision ne soit engagé. En effet, la formation de l’opinion n’est pas fixée une fois pour toutes, ni ne part à chaque fois de zéro.
Outil efficace pour l'analyse de la formation des opinions lors des votes :
L’approche des dispositions de gfs.bern propose un modèle précis pour l’analyse et l’interprétation des processus de formation des opinions lors des votes. L’accent n’est pas mis sur des prévisions exactes, mais sur la dynamique des courbes d’opinion sous l’influence des prédispositions et des luttes électorales. Les prédispositions déterminent la formation des opinions avant le début des campagnes. Celles-ci peuvent être dirigées (claires), instables (indécises) ou inexistantes.
Il est important de distinguer entre les initiatives et les propositions des autorités, car elles suivent des logiques de création différentes.
Thèse fondamentale de l’approche des dispositions :
Les résultats des votes ne sont pas statiques, mais sont façonnés par les prédispositions et les luttes électorales. Ces dernières suivent la formation des opinions des élites politiques et médiatiques ainsi que le climat politique général. Les intentions de vote et les schémas de conflit apparaissent en premier, puis la décision est prise.
Dynamique de la formation des opinions : La formation de l’opinion, le renforcement de l’opinion ou le changement d’opinion influencent la prise de décision et dépendent fortement des effets des campagnes. En règle générale, la formation des opinions concernant les propositions des autorités et les initiatives s’adapte au fil de la campagne à la position des autorités.
Thèses principales de l’approche des dispositions :
Si ces deux conditions sont remplies, le potentiel de changement est faible et des prévisions précises par sondages préalables sont envisageables. Si l’une de ces conditions manque, des prévisions quantitatives précises ne sont pas possibles, mais des déclarations qualitatives peuvent l’être.
Domaines d’application :
L'association entre la prédisposition et la dynamique permet d'élaborer une typologie des processus de formation des opinions lors des votations.
gfs.bern a synthétisé le concept de recherche sur la formation des opinions lors des votes dans l’approche des dispositions. Dans sa forme initiale, cette approche a été développée en 1998 et a depuis été continuellement adaptée aux dernières avancées scientifiques et aux standards en vigueur.
Thèse fondamentale de l’approche des dispositions:
Les résultats des votes ne sont pas statiques, mais influencés par des prédispositions et des campagnes de votation. Ces dynamiques reflètent la formation des opinions des élites politiques et médiatiques, ainsi que le climat politique général. La décision finale dépend de la nature et du type de proposition soumise au vote : d’abord émergent des intentions de vote et des schémas de conflit, ensuite la décision est prise.
Hypothèse 1: Plus les prédispositions claires jouent un rôle déterminant dans les intentions précoces de vote, plus il est probable que la décision soit considérée comme prédéterminée.
Hypothèse 2: Plus les messages des campagnes influencent clairement les intentions de vote – qui se renforcent au cours de la campagne – plus la décision finale est susceptible d’être clairement définie.
Si les deux conditions sont remplies, le potentiel de changement est faible, rendant envisageables des prévisions précises basées sur des sondages préalables. En revanche, si l’une des deux conditions manque, des prévisions quantitatives précises ne sont pas possibles, bien que des analyses qualitatives puissent l’être.
Les prédispositions se distinguent comme suit:
La combinaison de la prédisposition et de la dynamique définit la typologie de la formation des opinions:
Prédispositions générales et spécifiques au thème
Prédispositions thématiques
Prédispositions générales
Dans le domaine de la recherche sur les votes, les prédispositions sont aussi appelées heuristiques. La classification classique – heuristique du statu quo, heuristique de la confiance/méfiance et heuristique de parti – est enrichie par l’heuristique de vision du monde. Cette dernière permet d’appréhender un sujet, même sans analyse détaillée, et peut s’avérer indépendante des affiliations aux partis.
Les prédispositions thématiques, en revanche, nécessitent une prise de position directe vis-à-vis de la proposition soumise. Les décisions les plus concrètes proviennent du sentiment d’être concerné et des intérêts en jeu, lesquelles correspondent à une analyse coûts-avantages (rational choice).
Dynamique de formation de l'opinion et de la prédisposition
En ce qui concerne la dynamique, nous faisons généralement la distinction entre:
Ces processus peuvent être analysés sur une base collective ou individuelle. Notre analyse se concentre sur la formation collective des opinions. Les analyses individuelles nécessitent des données de panel, car les questions relatives aux souvenirs restent problématiques, car elles supposent une mémoire non filtrée.
Nous appelons prédisposition la part collective de la prédétermination en matière de votations. Celle-ci dépend des prédispositions pertinentes ainsi que de la mobilisation, du renforcement ou du changement induits par les campagnes de votation. Dans l’ensemble, la prédisposition est plus faible pour les votations populaires que pour les élections, en particulier pour les élections de parti. C’est pourquoi la recherche sur les votations nécessite des approches plus complexes que la recherche sur les élections.
L’approche des dispositions ne s’appuie pas seulement sur le sondage dominical sur les intentions de vote et de participation, mais prend également en compte d’autres questions relatives aux attitudes. Dans les sondages de tendance avant les votations, il s’agit généralement du schéma de conflit et du test d’argumentation. Ces outils sont utilisés pour déterminer la situation initiale et les possibilités de campagnes dans le cadre des votations, afin d’évaluer le potentiel de changements.
Thèse sur la formation de l'opinion lors des référendums
Lors des référendums, le processus décisionnel des autorités vise à atteindre un consensus ou une majorité, ce qui conduit à une décision prédisposée, généralement partagée par l’ensemble des partis politiques.
En règle générale, on s’attend à ce que l’opinion des votants converge vers la position majoritaire du Parlement. Dans les cas divergents, une décision de protestation émerge lorsque la volonté des autorités ne tient pas ou lorsqu’elle se désagrège au cours de la campagne de votation, entraînant ainsi un résultat populaire divergent.
Enfin, un phénomène similaire peut se produire avec les initiatives populaires, bien que dans ce cas, les positions soient souvent inversées. Il est crucial de noter que les initiatives populaires présentent généralement des propositions qui ne trouvent pas de majorité parlementaire, c’est-à-dire qu’elles proviennent soit de positions clairement à gauche ou à droite, soit d’un milieu apolitique.
Thèse sur la formation de l’opinion dans le cadre des initiatives
Nous attendons ici aussi que la formation de l’opinion s’aligne sur la position des autorités lors de la campagne de votation. S’il s’agit dès le départ d’une demande minoritaire, elle échouera en règle générale inévitablement en votation populaire.
Lorsqu’une initiative populaire est initialement soutenue par une majorité, on parle d’une initiative à majorité potentielle. Mais c’est l’issue de la campagne de votation qui est déterminante, et qui, en règle générale, se solde par un rejet de la proposition.
Les cas divergents surviennent ici également, lorsque la formation des opinions pendant la campagne de votation s’écarte de la position des autorités, que ce soit parce qu’une majorité initiale persiste ou, plus rarement, parce qu’une majorité se forme au cours même de la campagne.
Les projets des autorités comprennent les référendums obligatoires et facultatifs ainsi que les contre-projets aux initiatives populaires. Ils ont la particularité d’avoir été approuvés à la majorité par le Parlement.
Toutes les modifications de la Constitution sont automatiquement soumises au peuple par référendum obligatoire. En revanche, les projets de loi ne sont soumis au vote que si 50 000 citoyens/ennes le demandent. Dans de tels cas (référendum facultatif), il faut s’attendre à une opposition organisée, alors que ce n’est pas nécessairement le cas pour les référendums obligatoires (exception : vote simultané sur une initiative populaire et un contre-projet).
Les situations de départ sont diverses :
En ce qui concerne les tendances, nous distinguons deux évolutions : la formation de l’opinion, où le OUI et le NON se déplacent dans le même sens, tandis que les indécis se répartissent sur les deux côtés en cas de polarisation. Les projets fortement prédestinés sont généralement acceptés. Il en va de même pour les décisions à prétention nettement négative, même si c’est dans le sens inverse.
Nous ne traiterons pas ici davantage ces cas évidents. En revanche, tous les autres cas sont pertinents et seront examinés en fonction de deux scénarios différents:
Scénario 1: Situation normale
Nous parlons d’un scénario normal lorsque l’approbation augmente pendant la campagne de votation.
Ce cas peut survenir lors de la formation de l’opinion ou d’une polarisation, indépendamment de la situation initiale, qu’il s’agisse d’une prédisposition positive ou d’une absence de prédisposition. En effet, dans toutes les configurations, la formation de l’opinion tend à se diriger vers la position des autorités.
Ces trois dynamiques principales sont schématisées ci-dessous.
Scénario 2 : Cas exceptionnel
Un scénario divergent survient lorsque la volonté d’accepter diminue pendant la campagne de votation.
Dans ce cas, il peut s’agir soit d’une polarisation vers le NON, soit d’une formation de l’opinion en faveur du NON.
Ici aussi la situation de départ peut être indéterminée ou faiblement positive.
A titre illustratif, voici toutes les propositions des autorités depuis 2008 classées selon cette typologie.
Les initiatives populaires sont généralement rejetées par le gouvernement et le parlement ou reformulées en contre-projets. Cela influence les élites qui façonnent l’opinion et les distingue fondamentalement des projets soumis par les autorités.
Les initiatives se réfèrent souvent à des problèmes déjà connus, car il est difficile d’obtenir les signatures nécessaires sans une prise de conscience substantielle du problème. Cependant, la solution proposée est généralement moins connue et ne se développe qu’au cours du processus de formation de l’opinion. Lors de la formation de l’opinion, il faut donc faire la distinction entre le problème et sa résolution spécifique par l’initiative. Nous postulons ici de manière générale que la conscience du problème est prédisposée à des initiatives réussies, mais pas la préférence pour la solution, car celle-ci ne se répercute sur les intentions de décision que tout au long du processus de formation de l’opinion.
Situation de départ:
Pour une initiative populaire, la situation de départ est déterminée par le degré de prise de conscience du problème par le public. Plus une situation est jugée problématique, plus il y a de chances que l’initiative correspondante soit approuvée avant la campagne. Moins un problème est jugé urgent, plus la situation de départ est ouverte, voire négative.
Hypothèses générales
Cela donne seulement une indication sur la direction du changement, mais pas sur son ampleur. Ce dernier dépend de l’intensité de la prédisposition (notamment du côté du OUI), du nombre d’indécis parmi les participants potentiels et de l’efficacité des campagnes à aborder ces incertitudes. On sait que la communication des points faibles de la solution proposée est la plus efficace, c’est-à-dire qu’elle transforme le plus souvent les hésitants et les partisans latents en opposants.
L’ampleur du changement d’opinion en faveur du NON est difficilement prévisible : Plus la conscience du problème est forte, plus le changement d’opinion est faible. Une approche purement mécanique ne permet cependant pas d’atteindre l’objectif ; une analyse dynamique est nécessaire, qui intègre par exemple les activités concrètes de la campagne.
Dans la réalité, on observe (presque) toujours un recul de la part de OUI. L’ampleur de ce recul varie toutefois entre 1 et 43%. La moyenne depuis 2008 s’élève à environ 13 %. Le renversement est plus important du côté du NON : La moyenne est d’environ 23 %.
Il n’existe pas de règle claire sur l’ampleur du changement attendu dans les intentions de vote. Le mieux que l’on puisse faire valoir est que le pourcentage de citoyennes et citoyens « plutôt favorables » est un prédicteur valable. Nous connaissons cependant deux types de changements : Dans le premier cas, la totalité du pourcentage de personnes favorables disparaît, alors que dans le second, seule moins de la moitié disparaît. Le premier type se produit lorsque l’objet lui-même semble très attrayant et génère ainsi dans un premier temps une forte adhésion, tandis que la critique du contenu du projet qui s’ensuit entraîne une érosion du soutien. Le deuxième type, en revanche, a plusieurs causes, notamment le fait que le soutien est faible dès le début et qu’il ne change pas beaucoup pendant les campagnes.
Le processus de formation de l’opinion sur les initiatives peut être décrit selon quatre scénarios idéaux-types:
Scénario 1:
Lorsque la majorité est prédisposée positivement dans la situation initiale, que l’opposition à la solution proposée est faible ou que la pression du problème est très forte, le NON augmente, le OUI reste (presque) stable, de sorte que le projet est (en général) accepté.
L’initiative contre les rémunérations abusives en est un exemple typique.
Scénario 2:
Lorsqu’une majorité est initialement positivement prédisposée, mais que la pression du problème est relativement faible et qu’il existe une opposition au projet de solution, la proportion de « NON » augmente tandis que celle du « OUI » diminue. La proposition est alors rejetée, sauf si le pourcentage de personnes prédisposées en faveur du « OUI » dépasse les 50 %.
Un exemple typique d’une initiative populaire acceptée dans ce contexte est l’interdiction de la construction de résidences secondaires, tandis que les initiatives familiales de l’UDC et du PDC illustrent des exemples de référendums rejetés.
Scénario 3:
En cas de majorité à prédisposition positive minoritaire dans la situation initiale, la part de NON augmente, tandis que la part de OUI diminue. Le projet est rejeté.
L’initiative « Remplacer la taxe sur la valeur ajoutée par une taxe sur l’énergie » en est un exemple typique.
Scénario 4:
Dans des cas exceptionnels, le troisième scénario peut ne pas se produire. Selon notre analyse, cela survient lorsque la décision relative à l’initiative entraîne une rupture de tabou, générant un climat de protestation. Dans ce contexte, il est possible que la composition des participants potentiels change en faveur de l’initiative, ou qu’un changement d’opinion de courte durée, visant à envoyer un signal, se manifeste. D’après notre expérience, ce scénario est très rare; Il doit se refléter dans une augmentation marquée des intentions de participation pendant la campagne de votation et être visible dans le test des arguments, où les opposants et les indécis adhèrent de plus en plus aux messages favorables à l’initiative. En règle générale, cela nécessite une double exposition médiatique : les médias mainstream sont contre l’initiative, tandis que les médias visant des groupes cible spécifiques révèlent une large adhésion. Dans ces conditions, un quatrième scénario se dessine, comme décrit ci-dessous, bien que cette représentation soit partiellement inadéquate, car l’augmentation des intentions de participation est asymétrique.
Un exemple typique d’un tel scénario est l’initiative contre l’immigration de masse.
A titre illustratif, voici toutes les initiatives depuis 2008 classées selon cette typologie.
Les effets des campagnes de votation sur la mobilisation, respectivement sur la répartition des intentions de vote, n’ont été que peu pris en compte jusqu’à présent. Cela s’explique par le fait qu’il n’est pas facile d’identifier les liens de cause à effet compte tenu de l’évolution rapide du nombre d’objets et de thèmes.
L’idée selon laquelle le niveau de participation ne dépend que de la campagne de votation est réfutée. Il existe plutôt un socle de citoyens participant de manière routinière et une part de la population qui participe en fonction du climat, de la situation conflictuelle et de sa propre formation d’opinion.
Nous constatons en outre que la participation moyenne aux votations populaires entre 2011 et 2023 était de 47 pour cent (OFS). Les taux de participation compris entre 40 et 50 % ne montrent généralement pas de changements significatifs dans la composition de l’électorat. Si la participation est plus élevée, c’est surtout la part des citoyens peu politisés qui augmente et les chances de décisions à caractère populiste augmentent.
Lorsque le taux de participation est plus faible, ce sont surtout les citoyens qui s’intéressent fortement à la politique qui participent, ce qui réduit les chances de changement à court terme.
L’augmentation de la participation dépend directement du niveau de mobilisation suscité par un objet soumis au vote. Lorsqu’un scrutin comporte plusieurs objets, la participation tend à être plus élevée que pour un objet unique, car la mobilisation est plus spécifique pour chaque objet.
Il est important de noter que les valeurs de participation pour des objets individuels ne sont pas nécessairement identiques, car il existe une différenciation croissante entre la participation générale et le vote pour des objets individuels.
Exemple de principe : en cas de forte mobilisation, la participation augmente en moyenne de 5 points de pourcentage durant la campagne de votation. Tous les autres cas constituent des exceptions à cette règle générale.
Approche des dispositions de l’institut de recherche gfs.bern.